Ouverture
Offrande poétique?!Je te veux comme un salut que je lance, de loin (avec mon foulard et ma guitare de bohémien,) à l’humanité entière. Le jour où j’atteindrai les cimes, mon salut sera d’une autre sève!
Toi seul es le Maître!
Toi seul es l’Ami!
J’ai bu à la source qui rend gai tout savoir…
Est-il en ce Monde une force qui vaincra ta volonté en moi?
Aucun mal, aucune arme ni trame ne me touchera, moi l’ombre obstinée de ta vérité! Toute opposition me servira de piédestal, vers un bien plus suave encore!
Prophète Bien-Aimé!
toi seul es le Vin,
toi seul es la Vigne!
Libre à vous,
d’adorer le Dieu d’Adam ou de Jésus!
Libre à vous,
de vénérer tout temple, tout encens et toute statue!
Libre à vous,
tout vin de cendres, d’épines ou de ciguë!
Libre à vous,
Dahesh!
Si tu n’es pas Jésus,
pourquoi cette couronne d’épines et la foule haineuse de Pilates et de pharisiens?!
Je sais que la caravane des jours portera mes chansons où que tu demeures.
Toutes célèbrent le miel et la nostalgie de ton retour!
Qu’importe si, dans mes hâtes ou mes faiblesses, j’ai bafoué, impardonnable, l’harmonie chenue et reconnue?
Dahesh!
Je reviendrai demain,
avec le chant des étoiles,
adorer l’ombre bénie de tes palmiers!
Je reviendrai avec la brise de l’hiver,
humer le parfum de tes contrées fleuries!
Je reviendrai de la tombe, pleurer mon soleil disparu,
toi mon espoir, et ma vie!
Allons vers l’autre rive, mon âme,
allons renaître aux temps nouveaux!
– Où rien de ce monde n’existe,
d’où tout l’homme est banni. –
Où les jardins ont des musiques pures,
et la mer, la magie des chants divins!
Allons-nous mon âme vers d’autres rivages,
où l’ombre est colorée comme l’aube,
au pastel des paradis;
et le bonheur, joaillier de nos amours,
en mille vagues revient se briser sur les pierres,
et polir le chant des feuillages.
Quand mon crépuscule atteindra
ses rimes nocturnes,
ô vie,
que dans une étreinte plus forte que l’Amour,
mon âme en toi s’épanouisse poèmes et oubli!
Toi qui embellis de doux ocelles la chenille,
et ranimes de tempêtes oubliées l’onde sénile;
Je sens vivement palpiter en moi,
comme le parfum d’une foule d’accords inexprimés.
Et qui s’éteignent avec des échos finement lointains,
dès qu’ils effleurent ma conscience.
Mais à chaque fois que je prends la plume
pour épingler ces êtres aux ailes de musique,
le rythme et la pensée nette m’échappent;
À l’heure où la rose, le songe et le parfum,
se prélassent rose, noir, ou safran!
à l’heure où le mal de génie,
languit poème, chant et prose!
à l’heure où la Nymphe diurne
se baigne sous la ramée du silence opalin!
Si toute la Terre,
hérissée de clochers sublimes,
déchirait le Ciel à ses carillons,
– comme Tes paradis, Seigneur!
en jour de fêtes –
je n’élèverai mon regard, ni ne sécherai mes larmes,
que le jour où j’entendrai Ses pas!
Je fermerai mon coeur à tous les matins,
et davantage chaque nuit,
je m’abîmerai sans lever les yeux à Tes étoiles,
jusqu’au jour, Seigneur!
où j’entendrai Ses pas!
Aucun fruit ne me tentera,
aucune joie! aucun remords!
Je laisserai Ton calice vide,
ma table nue, sans pain,
jusqu’au jour où j’entendrai Ses pas!
Aucune prière ne sortira de ma bouche,
de mon coeur meurtri,
ni chant ni au moins l’espoir d’un regret jamais,
n’effleurera ma poitrine!
Je serai néant noir,
sans lune, sans reflet, sans étoiles,
jusqu’au jour, Seigneur!
où j’entendrai Ses pas!
Ô Prophète! ô compassion!
Le Monde entier est Ta « gazelle »,
et le Ciel, Ta couronne et Ton dôme!
Prophète Bien-Aimé,
la Terre repose sur Ton piédestal,
et le printemps, en Ton sourire!
Et l’été, l’été Ton coeur, Tes fruits et Ton verbe!
Et l’automne – bosquets de flammes –
Ton chant jusqu’à l’hiver!
Oh, l’hiver! Tes larmes qui coulent pour nous étancher!
Tes larmes fraternelles!
Et la musique céleste,
Tes mouvements superbes!
Et ce rythme d’étoiles?
Ton coeur qui bat pour rythmer l’harmonie…
– Oh! quelle est suave et superbe,
une harmonie arc-en-ciel! –
L’harmonie!
Tu fus, Dahesh! et le Monde jaillit comme une Pensée!
Comme un hymne élevé
qui commémore cet instant
qui toujours sera…
Prophète!
– Prophète des Dieux et de l’Orphelin, –
l’homme est Ton ami,
sa tristesse est Ton enfant,
et sa joie, Ton ombre!
Ô Prophète! ô compassion!
L’Amour est Ton Pardon dans l’infini;
et le paradis se séduit à Ta ressemblance,
à Te ressembler rêvent les étoiles vivantes du paradis!
Oh! Ta ressemblance!
Toi qui nourris la « gazelle des étoiles » dans le creux de Ta main!
Et la Terre qui tremble?
et la guerre qui gronde?
et les cieux et l’enfer dans l’homme Ton frère?
Une « écharde » que l’éternité a semée dans Ta chair,
une épine de la fleur perfide des jours!
Et l’Avenir? et le Passé?
Ton éternel Présent!
Et l’Invisible et l’Inaccessible, et l’Univers?
Ton « Visage Caché! »
Ô Prophète des compassions!
Amour inlassable!
Océan insondable de vertes amours émeraudes!
Dieu dans le Ciel! Là, exilé et apatride!
Lève-Toi et ravage nos coeurs!
Léve-Toi!
et apprends-nous comment respecter Tes fleurs!…
Rebelle-toi mon coeur!
Rebelle-toi!
Contre la foi de ce siècle impie et irréligieux!
Rebelle-toi contre les religions du méchant,
et le mensonge des savants!
Rebelle-toi contre la nuit qui aveugle
et les soleils qui éblouissent!
Rebelle-toi mon coeur!
Rebelle-toi!
Ô mes coquelicots,
mes désirs, mes joies!
Je suis en vous,
je suis votre champ,
je suis votre rouge et noir silence!
Et votre simple et indifférente beauté,
nue et farouche,
comme une goutte de sang,
qui oublie…
Seigneur!
C’est bien loin l’Étoile du Matin!
Quand j’ai soif de son onde absolue,
je contourne les lacs accueillants,
là où miroite, légère,
son image hyaline,
avec des reflets doucement pâles
et lamés.
Hier, en passant près de ma demeure,
tu es venu t’asseoir à l’ombre de mes jardins.
Tu as mangé de mes fruits;
et dans le silence de ton coeur,
tu a béni mes arbres et mes rameaux.
Depuis ce jour mémorable,
j’ai tracé de nouvelles allées
parmi l’herbe tendre et les fleurs odorées.
Et ma tristesse me tourmente
– sans cesse –,
car en mon coeur quelque chose me dit,
qu’avant longtemps,
tu ne reviendras plus mêler ton ombre
aux ombrages que tu as bénis.
Tes traces sont encore partout vivantes;
aucun pas d’ami n’est venu les effacer.
Car parmi l’herbe verte et les feuillées fleuries,
j’ai emprunté de nouveaux chemins.
Et chaque matin je me lève avec l’aube,
et nettoie la poussière des étoiles,
qui tombe les effleurer;
et je prie le Ciel que tu reviennes,
en baisant, comme elle,
ô Dahesh!
ton passage qui m’a béni.
Nous sommes l’un de l’autre,
– étoiles du silence! –
Je suis de toi,
– pouvoir sidéral! –
Et vous rêves! rêves!
Comme l’eau d’une fontaine,
nous sommes l’un de l’autre
– amertume! –
Quand le « Devoir » me convoquera,
je laisserai mon père, et ma mère,
ma maison, et ma patrie;
et je volerai d’emblée
ainsi qu’une flèche en feu par sa cible happée.
Pour le Devoir je n’irai pas par quatre chemins!
Quand l’espoir vint mouiller-là son ancre dorée
en mes rivages,
toute la surprise du monde en moi oscilla,
comme soudain au spectacle charmant!
d’une averse de roses et de dahlias!
C’est l’heure musicale où la Nature élève au Créateur sa chanson.
C’est l’heure ensorceleuse et divine
où l’Aurore et les Muses
vagabondent dans le ciel des rêves de la Pensée.
C’est l’heure vermeille et transparente
qui retouche et reprend de son pinceau magique
le grand tableau de la Raison.
Depuis ma plus tendre enfance,
le seul rêve qui me resta,
l’Ami, la Rose, ma Consolation et ma Chanson;
le seul espoir d’ambition qui survit dans mon
coeur
Seigneur!
Tous les grands sont morts. Morts!
Et leurs grands monuments ont fondu dans le
temps,
comme ombre. Comme de l’ombre!
Quelque chose de stérile et d’impitoyable
ronge et rogne les oeuvres
et de l’homme et de l’ange!
C’est le jour qui s’éveille!
Tout est gloire!
Tout est flamme!
Tout est couleurs!
Les fées diurnes font et défont mille feux,
les nuances se lient aux nuances,
les chants aux chants,
la nuit au jour…
Puisque l’innocent est jeté dans l’abîme.
Puisque les valeurs rampent adorer le crime.
Puisque l’aigle de la haine envahit toute cime.
Puisque le mal a triomphé quoique nous fîmes.
Seigneur…