Chant du matin

C’est le jour qui s’éveille!
Tout est gloire!
Tout est flamme!
Tout est couleurs!
Les fées diurnes font et défont mille feux,
les nuances se lient aux nuances,
les chants aux chants,
la nuit au jour…

Le Mot qui survivra

Seigneur!
Tous les grands sont morts. Morts!
Et leurs grands monuments ont fondu dans le
temps,
comme ombre. Comme de l’ombre!
Quelque chose de stérile et d’impitoyable
ronge et rogne les oeuvres
et de l’homme et de l’ange!

Les déshérités

C’est l’heure musicale où la Nature élève au Créateur sa chanson.
C’est l’heure ensorceleuse et divine
où l’Aurore et les Muses
vagabondent dans le ciel des rêves de la Pensée.
C’est l’heure vermeille et transparente
qui retouche et reprend de son pinceau magique
le grand tableau de la Raison.

L’indifférent

Quand le « Devoir » me convoquera,
je laisserai mon père, et ma mère,
ma maison, et ma patrie;
et je volerai d’emblée
ainsi qu’une flèche en feu par sa cible happée.
Pour le Devoir je n’irai pas par quatre chemins!

Amertume

Nous sommes l’un de l’autre,
– étoiles du silence! –
Je suis de toi,
– pouvoir sidéral! –
Et vous rêves! rêves!
Comme l’eau d’une fontaine,
nous sommes l’un de l’autre
– amertume! –

C’était hier

Hier, en passant près de ma demeure,
tu es venu t’asseoir à l’ombre de mes jardins.
Tu as mangé de mes fruits;
et dans le silence de ton coeur,
tu a béni mes arbres et mes rameaux.
Depuis ce jour mémorable,
j’ai tracé de nouvelles allées
parmi l’herbe tendre et les fleurs odorées.
Et ma tristesse me tourmente
– sans cesse –,
car en mon coeur quelque chose me dit,
qu’avant longtemps,
tu ne reviendras plus mêler ton ombre
aux ombrages que tu as bénis.
Tes traces sont encore partout vivantes;
aucun pas d’ami n’est venu les effacer.
Car parmi l’herbe verte et les feuillées fleuries,
j’ai emprunté de nouveaux chemins.
Et chaque matin je me lève avec l’aube,
et nettoie la poussière des étoiles,
qui tombe les effleurer;
et je prie le Ciel que tu reviennes,
en baisant, comme elle,
ô Dahesh!
ton passage qui m’a béni.