Amertume
Nous sommes l’un de l’autre,
– étoiles du silence! –
Je suis de toi,
– pouvoir sidéral! –
Et vous rêves! rêves!
Comme l’eau d’une fontaine,
nous sommes l’un de l’autre
– amertume! –
L’hiver est revenu,
et le bois est si joli!
Oh! qu’il fait doux, sous la feuillée en pleurs,
respirer le parfum des branches,
quand le ciel mêle la pluie aux rêves des oiseaux!
C’est l’hiver,
et le bois est si joli!
Les papillons et les hirondelles sont infiniment invisibles.
Et le silence – agile et gracieux, –
domptant de branche en branche l’écureuil,
envahit les allées comme un promeneur au crépuscule
qui meurt et finit.
C’est l’hiver,
et le bois est si joli!
L’étang tremble et rit, de rides ému,
et semble parfois se moquer des grenouilles ses amies!
L’herbe frissonne;
et le saule s’ébroue au vent qui fredonne,
et quand les nuages tonnent, il se courbe et prie!
Et l’eau bavarde passe et passe,
dessine de nouveaux méandres,
puis s’attarde parmi les racines des jasmins chéris!
Goutte à goutte les toits pleurent leurs chants glacés,
et le matin, en perles gelées pèse sur les pétales entiédis!
Et le soleil se lève paresseux – et bâille,
comme avant de s’éteindre la flamme d’une frêle bougie!
La rue est pavée de flaques et de miroirs,
où parfois entre deux nuages,
se reflète le visage changeant de midi!
L’hiver est revenu,
et le bois est si joli!
Nous sommes l’un de l’autre,
– étoiles du silence! –
Je suis de toi,
– pouvoir sidéral! –
Et vous rêves! rêves!
Comme l’eau d’une fontaine,
nous sommes l’un de l’autre
– amertume! –
Ô Poésie!
Toi qui ne chantes que la vie et l’amour en l’homme,
allons retrouver l’aube,
au bout du long chemin,
retrouver l’aube au bout de la lutte!
Voici nos chants!
Voici notre sang!
Voici nos rêves, nos peines et nos diamants!
Dans mon rêve le plus profond
je te vis!
– Dahesh! –
Tu étais au-delà du Monde,
siégeant comme une vision de jaspe et de cornaline,
sur un Trône de diamants et d’émeraudes.
Tes Six Anges se tenaient trois à ta droite, et trois à ta gauche!
Un Séraphin de ton Armée céleste s’avança,
tenant une balance prête dans la main.
Quand tu lui fis signe,
il se pencha et cueillit le Monde,
comme un fruit mûr sur la branche du Temps;
et le posa sur un des plateaux éclatants de la balance.
Et puis il le pesa…
Hier, en passant près de ma demeure,
tu es venu t’asseoir à l’ombre de mes jardins.
Tu as mangé de mes fruits;
et dans le silence de ton coeur,
tu a béni mes arbres et mes rameaux.
Depuis ce jour mémorable,
j’ai tracé de nouvelles allées
parmi l’herbe tendre et les fleurs odorées.
Et ma tristesse me tourmente
– sans cesse –,
car en mon coeur quelque chose me dit,
qu’avant longtemps,
tu ne reviendras plus mêler ton ombre
aux ombrages que tu as bénis.
Tes traces sont encore partout vivantes;
aucun pas d’ami n’est venu les effacer.
Car parmi l’herbe verte et les feuillées fleuries,
j’ai emprunté de nouveaux chemins.
Et chaque matin je me lève avec l’aube,
et nettoie la poussière des étoiles,
qui tombe les effleurer;
et je prie le Ciel que tu reviennes,
en baisant, comme elle,
ô Dahesh!
ton passage qui m’a béni.
Demain je serai un peu de cendres
dans la main de la nuit!
Demain je serai un chant muet
au sein d’une corolle!
Mais Ton souffle ressuscitera ma joie,
et les abeilles messagères
butineront dessus ma fleur!
Copyright © 2009 Georges H. Chakkour – Tous droits réservés