Amertume
Nous sommes l’un de l’autre,
– étoiles du silence! –
Je suis de toi,
– pouvoir sidéral! –
Et vous rêves! rêves!
Comme l’eau d’une fontaine,
nous sommes l’un de l’autre
– amertume! –
Ce fut hier ce jour où ton souffle
m’envahit,
hier,
ce jour où mon âme t’enlaça
en mille flots permis.
Amour!
Rêve!
Chanson!
Nymphe sans forme ni rive!
Je sentis la légère pesanteur
d’un mouvement gai d’ombre!
L’ombre était vertige et miel,
le poids semblait parfum,
ton parfum, musique!
Ton âme?
ton corps?
ta chair?
tout n’était que lumière!
Et parmi mes flots farouches,
– nue et timide, –
ta beauté inénarrable
abreuva mon abîme
au contact de ton aube,
si frêle,
si lucide,
que tu me frôles encore
des souvenirs de ta nage!
Comme cela me semble loin!
Déjà l’onde grise, bleue ou figée,
cherche ton regard amoureux
autour de mon antre lamé.
Ah! tendre mes bras en vagues mille fois déchirées,
vers une autre heure lascive;
me redonner en ton calme paisible,
cette lente douceur de rythmes concentriques.
Nappe et rides,
feu et pensée,
songe qui me répète le souvenir
de cette mélodie de chair
qui visita mes rives à une heure imprévue.
Ô ma dryade!
Ma nymphe!
Ma déesse!
Que de tendres moments attendent l’instant
de ton espace parfait.
Avec chaque mouvement,
me projeter comme ces gouttes d’eau
qui perlèrent tes épaules si nues,
et humer ton souffle en ma houle suave.
Caresser de mes doigts bleus
ta forme d’aube nacrée.
Et boire,
– boire de ta bouche qui me buvait, –
mon éternité…
Ô rêves de colombes!
voici la lointaine demeure!
voici la bohême contrée!
Mais cette ombre,
où les vents et les soleils
s’enlacent en une arabesque de poèmes,
– désirs sultanant ta peau, –
ou comme une houle d’abeilles
butinant tes perles,
brodant, rejetant, reprenant
le châle de mes lames!
Ah! ces désirs!
Ah! ces songes que j’ai vu brûler en tes yeux émeraude!
Ah! ces notes qui ont tremblé,
quand rêve de mon rêve,
tu t’élanças hors de mon sein!
L’eau de mes rives était jalouse
des gouttes d’eau mourant sur ton épaule;
celles qui retombaient en moi
semblaient des étoiles!
Je doutais que ce corps se laissa embrasser,
je redis mille plus doux remous,
quand de ta chevelure, de ta nude beauté,
ces perles liquides me revinrent,
et bénies, je les bues de toute l’envie de mes rives.
Quoi! me disais-je,
elle était là?…
Mes flots envièrent ceux qui caressèrent tes joues,
et soudain tout devint Mystère,
en un poème abstrait!
Ah! mourir en toi,
toi, mon océan de chair rêvé,
où le sel est lumière opale,
et comme un parfum m’enivrer,
m’abîmer, t’abîmer de tout mon lac
– en moi vivante, –
jusqu’à l’heure de l’harmonie!
Onde, mon onde! votre déesse est revenue.
Oui, je la vois là-bas sous la feuillée de jasmins,
avide de nos désirs, mon onde!
Une joie sans forme ni visage,
a frémi dans les bois alentour,
et j’ai deviné comme une ombre sylphide,
– une ombre pareille à celle d’hier.
Oh, non!
pas tant de ces joies mes flots!
Calmons la toison,
je la vois qui tâte l’eau du bout des orteils,
mais qui hésite encore…
Comme il fait nuit!
Et sur mes bords,
quel désir de soleils!
Nous sommes l’un de l’autre,
– étoiles du silence! –
Je suis de toi,
– pouvoir sidéral! –
Et vous rêves! rêves!
Comme l’eau d’une fontaine,
nous sommes l’un de l’autre
– amertume! –
Ô Poésie!
Toi qui ne chantes que la vie et l’amour en l’homme,
allons retrouver l’aube,
au bout du long chemin,
retrouver l’aube au bout de la lutte!
Voici nos chants!
Voici notre sang!
Voici nos rêves, nos peines et nos diamants!
Dans mon rêve le plus profond
je te vis!
– Dahesh! –
Tu étais au-delà du Monde,
siégeant comme une vision de jaspe et de cornaline,
sur un Trône de diamants et d’émeraudes.
Tes Six Anges se tenaient trois à ta droite, et trois à ta gauche!
Un Séraphin de ton Armée céleste s’avança,
tenant une balance prête dans la main.
Quand tu lui fis signe,
il se pencha et cueillit le Monde,
comme un fruit mûr sur la branche du Temps;
et le posa sur un des plateaux éclatants de la balance.
Et puis il le pesa…
Hier, en passant près de ma demeure,
tu es venu t’asseoir à l’ombre de mes jardins.
Tu as mangé de mes fruits;
et dans le silence de ton coeur,
tu a béni mes arbres et mes rameaux.
Depuis ce jour mémorable,
j’ai tracé de nouvelles allées
parmi l’herbe tendre et les fleurs odorées.
Et ma tristesse me tourmente
– sans cesse –,
car en mon coeur quelque chose me dit,
qu’avant longtemps,
tu ne reviendras plus mêler ton ombre
aux ombrages que tu as bénis.
Tes traces sont encore partout vivantes;
aucun pas d’ami n’est venu les effacer.
Car parmi l’herbe verte et les feuillées fleuries,
j’ai emprunté de nouveaux chemins.
Et chaque matin je me lève avec l’aube,
et nettoie la poussière des étoiles,
qui tombe les effleurer;
et je prie le Ciel que tu reviennes,
en baisant, comme elle,
ô Dahesh!
ton passage qui m’a béni.
Demain je serai un peu de cendres
dans la main de la nuit!
Demain je serai un chant muet
au sein d’une corolle!
Mais Ton souffle ressuscitera ma joie,
et les abeilles messagères
butineront dessus ma fleur!
Copyright © 2009 Georges H. Chakkour – Tous droits réservés