Le Liban dans la Bible et l’exode du Peuple Juif vers le Liban et le Pays de Canaan

Georges H Chakkour

« Le Liban ne suffit pas pour le feu, et ses animaux ne suffisent pas pour l’holocauste. » 

« Dissocier le Liban d’Isarël, c’est bien mal comprendre le rêve de Moïse… »

 

  • Le Deutéronome : 3, 25. 11, 24.
  • Le Livre de Josué : 11, 17.
  • Le Livre des Rois I : 5, 13 ; 20 ; 28. 7, 2.
  • Le Livre des Rois II : 14, 9. 19, 23.
  • Le Livre des Chroniques II : 2,7.
  • Le Livre des Juges : 3, 3.
  • Les Psaumes : 29, 6. 72, 16. 92, 13. 104, 16.
  • Les Proverbes :
  • L’Ecclésiaste :
  • Le Cantique des Cantiques : 3, 9. 4, 8. 5, 15. 7, 5.
  • Isaïe (ou Ésaï) : Chp 10, 34. Chp 11, 1-10. Chp 14, 8. Chp 29, 17. Chp 33, 9. Chp 40, 16. Chp 60, 13.
  • Jérémie : 18, 14. 22, 6. 22, 20-23.
  • Ézechiel : 17, 3. 27, 5. 31, 15.
  • Daniel :
  • Osée : 14, 7.
  • Joël :
  • Nahum : 1, 4.
  • Habacuc : 2, 17.
  • Zacharie : 10, 10. 11, 1.
  • Le Livre de Judith :
  • L’Apocalypse de Jean : 1, 15.


Le Liban dans l’histoire :

Depuis 1920, son nom, qui signifie en arabe « Montagne Blanche », est devenu celui de tout le pays environnant, et le doit probablement autant aux rochers calcaires du plissement qu’aux neiges célèbres de ses crêtes. Ainsi lit-on dans Jérémie : « La neige du Liban abandonne-t-elle le rocher des champs, ou voit-on tarir les eaux qui viennent de loin, fraîches et courantes ? [ 1 ] » (Le Livre de Jérémie, 18, 14) En ce temp-là, le Liban se distinguait de la plaine de la Bekka et des villes du littoral méditerranéen qui constituent le Pays du Cèdre actuel, tout comme dans le Livre de Judith :

« À Nabuchodonosor s’étaient joint tous les habitants de la montagne et tous les riverains de l’Euphrate, du Tigre, de l’Hydaspe et les gens des plaines d’Aryok, roi des Élyméens, et de nombreuses nations s’étaient rassemblées pour combattre les fils de Chéléoud. Nabuchodonosor, roi des Assyriens, envoya des messagers à tous ceux aui habitaient la Perse et à tous ceux qui habitaient vers l’Occident, à ceux qui habitaient la Cilicie, Damas, le Liban et l’Anti-Liban, à tous ceux qui habitaient le littoral, à ceux des nations du Carmel et de Galaad. » (Le Livre de Judith, 1, 6-8)

Ou dans le Livre des Juges, où « le Liban » est nettement distingué de « la ville de Sidon » et autres cités phéniciennes du littoral méditerranéen :

« Voici les nations que Yahvé laissa subsister pour éprouver par elles Israël […] : les cinq souverains des Philistins, tous les Cananéens, les Sidoniens et les Hittites qui habitaient la montagne du Liban depuis le mont-Baal Hermon jusqu’à l’entrée de Hamat. » (Le Livre des Juges, 3, 1-3)

Les Hittites (ou Héthéens, fils de Het, le second fils de Canaan, fils de Cham, père éponyme des « Chamites » et fils de Noé)formaient une société féodale, militaire et religieuse, où le roi était aussi juge et grand prêtre (sorte de Souverain-Divin ou Sultan-Calife). L’agriculture formait la base de l’économie, mais la richesse provenait de l’exploitation minière du terrain, tels que le cuivre, le plomb, l’argent et le fer. Déjà, depuis Moïse et Josué, le Liban semble intégré dans une idée géographique de Terre Promise idéale. Ainsi lit-on ce passage dans le Deutéronome (où Moïse exhorte son peuple au départ en lui rappelant les paroles du Seigneur à l’Horeb) :

« Tournez-vous et partez, allez à la montagne des Amoréens et dans tout le voisinage, dans la plaine, sur la montagne, dans la vallée, dans le midi, sur la côte de la mer, au pays des Cananéens et au Liban, jusqu’au grand fleuve, au fleuve d’Euphrate. » (Deutéronome, 1,7)

« L’Éternel chassera devant vous toutes ces nations, et vous vous rendrez maîtres de nations plus grandes et plus puissantes que vous. Votre frontière s’étendra du désert au Liban, et du fleuve de l’Euphrate jusqu’à la mer occidentale. » (Deutéronome, 11, 23-24)

De même trouve-t-on dans Josué que le Liban fait, géographiquement, partie du Royaume idéal promis à Israël :

« Maintenant, lève-toi, passe ce Jourdain, toi et tout ce peuple, pour entrer dans le pays que je donne aux enfants d’Israël. Tout lieu que foulera la plante de votre pied, je vous le donne comme je l’ai dit à Moïse. Vous aurez pour territoire depuis le désert et le Liban jusqu’au grand fleuve, le fleuve de l’Euphrate, tout le pays des Héthiens, et jusqu’à la grande mer vers le soleil couchant. » (Le Livre de Josué, 1, 2-4)

Dissocier le Liban d’Isarël, au sens biblique du terme, c’est bien mal comprendre le rêve de Moïse durant l’exode, et la valeur symbolique de ce nom, assez claire dans le Cantique des Cantiques. De toutes les régions, de tous les pays, les fleuves et les cités mentionnés par Moïse, c’est le Liban qu’il faudrait oublier le moins et qu’on oublie le plus. Même des historiens analystes du « best-seller mondial par excellence » comme André-Marie Gérard oublient, comme celui-ci l’a fait dans son précieux Dictionnaire de la Bible, ce point important, en parlant du « Pays des Cèdres ». Voici en effet ce qu’on entend dans le Deutéronome, par la bouche de Moïse, œuvre écrite du temps du roi David qui relate des événements vieux de trois siècles, autrement dit du temps de l’Exode et de la traversée du désert du peuple juit, conduit par Moïse, vers la Terre de Canaan :

« En ce temps-là, j’implorai la miséricorde de l’Éternel, en disant : Seigneur Éternel, Tu as commencé à montrer à Ton serviteur Ta grandeur et Ta main puissante ; car quel dieu y a-t-il, au Ciel et sur la Terre, qui puisse imiter Tes œuvres et Tes hauts faits ? Laisse-moi passer, je Te prie, laisse-moi voir ce bon pays de l’autre côté du Jourain, ces belles montagnes et le Liban. » (Deutéronome, 3, 23-25)

Mais c’est surtout Salomon qui donnera au Liban sa double réputation unique. À cause de ses cèdres d’abord, en tant que matériau de choix pour construire le Temple de Dieu (comme son père David l’avait fait d’abord pour la construction de son propre temple, dont un quartier est d’ailleurs appelé Maison de la Forêt du Liban). De même que sa valeur symbolique de perfection humaine et de splendeur divine. Il suffit de lire Le Cantique des Cantiques… Le Cantique des Cantiques, ce livre qui ne parle pas de Dieu et qui pourtant, ne parle que de Dieu. C’est le plus beau bouquet de poèmes d’amour profane, le Cantique divin par excellence, aussi est-il appelé Le Cantique des Cantiques (comme on dit Le Roi des rois, ou Le Dieu des dieux). C’est en se fondant sur son symbolisme ésotérique que les antiques chefs religieux yahvistes ont accepté ce texte athéiste dans leurs écrits sacrés, et que plus tard toutes les églises chrétiennes ont adopté ce texte comme une Écriture sainte. Son caractère purement amoureux, et souvent érotique, n’a pas empêché de trouver en lui le prophétisme par excellence, aussi compare-t-on le Bien-Aimé du Cantique de Salomon à l’Adam idéal (homme/femme autrement dit l’Âme à la recherche de sa Source comme le Fleuve creuse son lit vers la Mer Originelle), et la Bien-Aimée à l’Extase en DieuLe Liban y est cité quatre fois au cœur d’une longue tirade amoureuse, et chaque fois au centre d’une fresque comparative qui, oubliant le but de la comparaison, en poursuit un autre : le symbole qu’elle représente. Il n’y a pas de livre de l’Ancien, ni aucun texte du Nouveau Testament dont on ait proposé des interprétations plus divergentes. La plus récente étude sur le sujet cherche l’origine du Cantique des Cantiques « dans le culte d’Isthar et de Tammuz, » écrit un des Collaborateurs de La Bible de Jérusalem, et « dans les rites de mariage divin, de hiérogamie, qu’on suppose accomplis par le roi, le substitut du dieu ». Cette théorie cultuelle et mythologique, ajoute-t-il, ne peut être démontrée, et elle est invraisemblable. « On ne peut imaginer un croyant israélite qui démarquerait ces productions d’une religion de la fécondité simplement pour en tirer des chants d’amour. S’il y a des rencontres d’expression entre les hymnes à Ishtar ou à Tammuz et les poèmes du Cantique, c’est parce que les uns et les autres parlent le langage de l’amour ». Selon lui, l’interprétation allégorique est beaucoup plus ancienne. « Elle est devenue commune chez les Juifs à partir du IIe siècle de notre ère : l’amour de Dieu pour Israël et celui du peuple pour son Dieu sont représentés comme les rapports entre deux époux ; ce serait le même thème du mariage que les Prophètes ont développé depuis Osée. » Les auteurs chrétiens qui se sont penchés sur ce livre d’inspiration libanaise, surtout sous l’influence d’Origène et malgré l’opposition individuelle de Théodore de Mopsueste (dit également Théodore d’Antioche), ont suivi la même ligne que l’exégèse juive, mais l’allégorie est devenue chez eux celles des noces du Christ avec l’Église ou de l’union de l’Âme avec Dieu. Le Liban flotte dans le texte sous plusieurs formes, d’abord comparative et symbolique, puis mystique, enfin Christique. Le lit de justice de Salomon par exemple :

« Le roi Salomon s’est fait un palanquin en bois du Liban. » (Le Cantique des Cantiques, 3, 9)

C’est ainsi que le Bien-Aimé appelle sa fiancée à quitter son pays et à venir le rejoindre du Liban, tout en louant sa beauté et sa perfection :

« Tu es toute belle, mon amie, et il n’y a point en toi de défaut. Viens avec moi du Liban, ma fiancée, viens avec moi du Liban. » (Le Cantique des Cantiques, 4, 7-8)

« Tes lèvres distillent le miel, ma fiancée ; il y a sous ta langue du miel et du lait, et l’odeur de tes vêtements est commel’odeur du Liban. » (Le Cantique des Cantiques, 4, 11)

« Tu es un jardin fermé, ma sœur, ma fiancée, une source fermée, une fontaine scellée. Tes jets forment un jardin, où sont des grenadiers, avec les fruits les plus excellents, […] Source des jardins, puits d’eaux vives, ruissellement du Liban. » (Le Cantique des Cantiques, 4, 12-15)

Voici comment la Bien-Aimée décrit son Bien-Aimé :

« Ses mains sont des anneaux d’or (d’autres disent des globes d’or), garnis de chrysolites ; son corps est de l’ivoire poli, couvert de saphirs ; ses jambes sont des colonnes de marbre blanc, posées sur des bases d’or pur. Son aspect est comme le Liban, distingué comme les cèdres (d’autres disent Son aspect est celui du Liban, sans rival comme les cèdres). » (Le Cantique des Cantiques, 5, 14-15)

Que le Bien-Aimé compare à son tour son amante :

« Ton cou est une tour d’ivoire, tes yeux sont comme les étangs de Hesbon, près de la porte de Bat-Rabbim, ton nez est comme la tour du Liban, qui regarde du côté de Damas. Ta tête est élevée comme le Carmel, et les cheveux de ta tête sont comme la pourpre ; un roi est enchaîné par tes boucles… » (Le Cantique des Cantiques, 7, 5-6)

Il est partout présent sous la plume des prophètes, de Daniel à Malachie, de Jérémie à Osée.

Le grand prophète Isaïe vers 740-687 av. J.-C., dit le fils d’Amos, (Écha’ya en arabe اشعیاء‎), transcrit sur parchemin ses prophéties et ses oracles concernant l’avènement du Messie au Liban, que l’Histoire Chrétienne a confondu, et confond toujours et encore, avec Jésus de Nazareth. Parmi ses nombreux oracles, il est fait plus d’une fois mention de la naissance du Liban et de son agrandissement en État merveilleux, et de l’avènement alors (comme si ces deux états étaient indissolublement liés) du « prophète du Pays des cèdres » qu’on appellera « l’Admirable », puis de « la chute du Liban » en punition de son ingratitude devant les enseignements et les prodiges du Fils du Ciel.

Ainsi lit-on :

« Encore un peu de temps, et le Liban se changera en verger, et le verger sera considéré comme une forêt. En ce jour-là, les sourds entendront les paroles du livre ; et, délivrés de l’obscurité et des ténèbres, les aveugles verront. Les malheureux se réjouiront de plus en plus en l’Éternel, et les pauvres feront du Saint d’Israël le sujet de leur allégresse. Car le violent ne sera plus, le moqueur aura fini, et tous qui veillaient pour l’iniquité seront exterminés, ceux qui condamnaient les autres en justice, tendaient des pièges à celui qui deféndait sa cause à la porte, et violaient par la fraude les droits de l’innocent. (La Sainte Bible, Ancien et Nouveau Testament traduits sur les textes originaux hébreux et grecs par Louis Segond, Isaïe 29, 17-21)

« La gloire du Liban lui sera donnée, la magnificence du Carmel et de Sarron, ils verront la gloire de l’Éternel. » (Ibid., Isaïe 35, 2)

« Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, et la domination reposera sur son épaule ; on l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. » (La Sainte Bible, Ancien et Nouveau Testament traduits sur les textes originaux hébreux et grecs par Louis Segond, Isaïe 9,5)

« Et le Liban tombe sous le Puissant. Puis un rameau sortira du tronc d’Isaïe, et un rejeton naîtra de ses racines. L’Esprit de l’Éternel reposera sur lui : Esprit de Sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de l’Éternel. Il respirera la crainte de l’Éternel ; […] En ce jour, le rejeton d’Isaïe sera là comme une bannière pour les peuples ; les nations se tourneront vers lui, et la gloire sera sa demeure. » (Ibid., Isaïe Chp 10, 34 – Chp 11, 1-10)

 « Le Liban ne suffit pas pour le feu, et ses animaux ne suffisent pas pour l’holocauste. » (Ibid., Isaïe 40, 16)

En fait, l’Ancien Testament cite le Liban plus de fois que Jérusalem, Damas, Capharnaüm, Canaan, l’Égypte, l’Euphrate ou le Tigre réunis !

 

Osée, vers 780-740 av. J.-C., un des douze petits prophètes d’Israël, et dont le livre vient en tête du recueil des douzes devins dans la Bible hébraïque, va jusqu’à comparer la renommée d’Israël (qui marche à l’ombre de Yahvé) au vin des vignobles du Liban :

« Je serai comme la rosée pour Israël, il fleurira comme le lis, il enfoncera ses racines comme le peuplier, ses surgeons s’étendront, sa majesté sera comme celle de l’olivier et son odeur comme celle du Liban. Ils reviendront habiter à Mon ombre, ils feront revivre le froment, ils fleuriront comme la vigne, sa renommée [la renommée d’Israël] sera comme celle du vin du Liban. » (Le Livre d’Osée, 14, 6-8)

Nahum, fin VIIe siècle av. J.-C., considéré comme le septième des douze petits prophètes, en parle ainsi dans son psaume sur la colère divine :

« Yahvé ne laisse personne impuni. Dans l’ouragan et la tempête est Son chemin, la nue est la poussière de Ses pieds. Il menace la mer et la met à sec, et tous les fleuves, Il les tarit ; le Bachân et le Carmel s’étiolent, la verdure du Liban dépérit. » (Le Livre de Nahum, 1,4)

Zacharie, fin VIe siècle av. J.-C., un des petits prophètes du temps d’Aggée, dit du peuple élu en parlant du Liban… un Liban, hélas ! promis aux feux de l’enfer :

« Je les ramènerai du pays d’Égypte et d’assour Je les rassemblerai ; dans le pays de Galaad et au Liban Je les ferai entrer, et cela ne leur suffira pas. » (Zacharie, 10, 10) « Ouvre tes portes, Liban, et qu’un feu dévore tes cèdres. Hurle cyprès, car le cèdre est tombé, parce que les puissants ont été dévastés. Ceux qui s’élevaient sont détruits. Gémissez, chênes de Basan, car la forêt inaccessible est renversée. » (Zacharie, 11,1-3)

Et c’est peut-être Ézechiel, environ six siècles av. J.-C., le troisième des quatre grands prophètes, qui nous surprend le plus dans ses prophéties énigmatiques sur le Liban. En voici deux célèbres extraits assez saisissants :

« La parole de l’Éternel me fut adressée en ces termes : Fils de l’homme, propose une énigme, dis une parole à la maison d’Israël. Tu diras : Ainsi parle le Seigneur : Un grand aigle, aux longues ailes, aux ailes déployées, couvert de plumes de toutes couleurs, vint sur le Liban, et enleva la cime d’un cèdre. Il arracha le plus élevé de ses rameaux, l’emporta dans un pays de commerce, et le déposa dans une ville de marchands. Et il prit un rejeton du pays, et le plaça dans un sol fertile ; il le mit près d’une eau abondante, et le planta comme un saule. Ce rejeton poussa, et devint un cep de vigne étendu, mais de peu d’élévation ; ses rameaux étaient tournés vers l’aigle, et ses racines étaient sous lui ; il devint un cep de vigne, donna des jets, et produisit des branches. Il y avait un autre aigle, grand, aux longues ailes, au plumage épais… » (Ézechiel, 17, 1-10)

« Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Le jour où il est descendu dans le séjour des morts, J’ai répandu le deuil, J’ai couvert l’abîme à cause de lui, et J’en ai retenu les fleuves ; les grandes eaux ont été arrêtées ; J’ai rendu le Liban triste à cause de lui, et tous les arbres des champs ont été desséchés. Par le bruit de sa chute J’ai fait trembler les nations, quand Je l’ai précipité dans le séjour des  morts, avec ceux qui descendent dans la fosse ; tous les arbres d’Éden ont été consolés dans les profondeurs de la terre, les plus beaux et les meilleurs du Liban, tous arrosés par les eaux. Eux aussi sont descendus avec lui au chéol vers les victimes du glaive, ainsi que ses auxiliaires qui habitaient à son ombre au milieu des nations. » (Ézechiel, 31 : 15-17)

Même l’Apocalypse de Jean n’échappe pas à cette loi du symbolisme libanais, et s’appuie sur le Liban pour peindre le Fils de l’Homme… qui doit venir à la fin des temps :

« Moi Jean, votre frère, […] je me trouvai dans l’île appelée Patmos, à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus. Je fus ravi en Esprit le jour du Seigneur, et j’entendis derrière moi une voix forte, comme d’une trompette qui disait : Ce que tu regardes, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises […] Et je me retournai pour regarder la voix qui parlait avec moi. Et, m’étant retourné, je vis sept chandeliers d’or, et au milieu des chandeliers quelqu’un de semblable à un fils d’homme, vêtu d’une robe talaire et ceint à hauteur de poitrine d’une ceinture d’or. Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de la laine blanche, comme la neige, et ses yeux comme une flamme de feu, et ses pieds semblables à du bronze purifié au Liban (« Chalkos-Libanos » dans le texte original grec [2 ] : un mot-clé important que presque tous les traducteurs omettent irresponsablement dans leur traduction), et sa voix était comme la voix des grandes eaux. Et il avait dans sa main droite sept étoiles, et de sa bouche sortait une épée acérée à double tranchant, et son visage était comme le soleil quand il brille dans sa puissance. Et lorsque je le vis, je tombai à ses pieds comme mort. Et il posa sur moi sa main droite, en disant : Sois sans crainte ; Moi Je suis le Premier et le Dernier, et le Vivant. J’ai été mort, et voici que je suis vivant pour les éternités d’éternités. Écris donc ce que tu as vu, ce qui est, et ce qui va arriver dans la suite. » (Apocalypse de Jean, 1 : 9-19)

Le Liban d’autrefois

et le Liban actuel :

La plus ancienne mention de Liban apparaît sur un texte de la Bible, vers l’an 1000 av. J.-C., sous la forme sémitique, que les Grecs traduisirent littéralement en « Libanos ». Dans des textes plus récents, d’époque arabo-musulmane, on trouve aussi « Djébal-Loubnâne » (Mont-Liban), que les Orientalistes de la fin du XIXe siècle finirent par raccourcir en « Liban » pour désigner la Montagne proprement dite (Djabal Sannîn en arabe), puis par la suite un des pays formés par le Mandat à la chute de l’Empire Ottoman et au partage, en petits États arabes, d’une partie de ses provinces. Souvent confondu avec la Syrie ou la Palestine, son nom ne fit son apparition que depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale… et plus précisément encore, à la Conférence de la Paix de Versailles.

[…]

       Un an avant l’arrivée de Moussa (le père du Docteur Dahesh, de son prénom et nom de famille « Moussa Élyas Écha’ya » اشعیاء‎) en Palestine et son installation à Bethléem, cet autre nid de vipères sacrées, le 21 juillet 1906, le Capitaine Dreyfus avait été réintégré dans l’Armée et décoré de la Légion d’honneur. Le jugement de Rennes, condamnant Dreyfus à la dégradation militaire et à la déportation à vie à l’île du Diable, avait été brisé le 12 juillet de cette même année par la Cour de cassation. Or chose étrange, comme si derrière tout mal Dieu cachait un bien, grâce à un certain journaliste hongrois du nom de Théodore Herzl, reporter qui fut témoin du procès de Dreyfus, on parle partout dans les ghettos israélites d’Europe d’un État juif, et bientôt de la nécessité d’établir un foyer national à Ouganda, ou même en Palestine. C’était, selon l’avis de ce reporter, la seule solution possible à la vague d’antisémitisme suscitée par le procès de Dreyfus. Son livre sur la question juive, Der Judenstaat(l’État Juif), publié en août 1896, durant l’Affaire Dreyfus et à cause d’elle justement, avait produit son premier fruit. Et voici qu’après vingt siècles d’exil, le Sionisme réclame « un foyer national juif » ; et, écartant de lui l’idée d’un Centre national en Afrique ou ailleurs, il songe à la possibilité d’un « retour à la Terre promise ». […] Ainsi commençait avec la naissance du fils des miracles, Salim Moussa Écha’ya, la prodigieuse aventure d’Israël, engendrée par ce grand visionnaire de l’État hébreux, dont le rétablissement devait théoriquement coïncider avec la venue (ou le retour) du messie. Voilà surtout pour Israël et son rapport étrange avec la venue au monde de Salim Moussa Écha’ya, né à Jérusalem le 1er juin 1909 (d’autres disent 1912).

       Autre coïncidence étrange avec la venue au monde de son premier fils, cette nativité tombée en Orient sous les derniers rameaux du trône hamidien, la rencontre accélérée de ces deux éléments : la dislocation définitive de l’Empire ottoman et la naissance du Liban… ce pays des miracles tant mentionné dans la Bible. Autrement dit, près d’un lustre avant la Première Guerre mondiale qui allait donner naissance à deux embryons étatiques, deux États qui semblent indissolublement liés : l’État d’Israël et le Liban… qu’on commença par appeler « le Grand Liban » puis « le Liban » tout court.

        À partir de 1907, effectivement, l’Empire ottoman est en pleine décomposition. Même chose sur la scène européenne, où le Nationalisme donne ses premiers coups de bélier dans un monde déjà devenu obsolète. Devant ces données, les Gouvernements et les États-Majors d’Europe, en paix depuis quatre décennies, semblaient vivre sous le spectre d’un conflit généralisé ; et qui déjà étendait son ombre sur le monde. La question coloniale des alliances entre les puissances européennes ne pouvant être moins incertaine ni plus dégradée en Asie, la perspective d’un conflit armé entre l’Allemagne et la France sur le continent européen, gagna soudain du terrain à l’aube du XXe siècle, incitant les gouvernements à de larges dépenses pour leurs armements. Et en ce sens, afin de pouvoir soutenir ces dépenses, nécessaire plus que jamais devint l’expansion coloniale, cause première de leur dispute: « Le colonialisme est nécessaire aux nations comme la marche au corps, » enseignait-on dans les écoles européenne de la Belle Époque. En un mot, le cataclysme mondial était annoncé par une foule de signes avant-coureurs, de Paris à Vienne, de Pétersbourg à Londres, où peut-on observer aujourd’hui, l’utopie berçait la culture moderne, les arts progressistes et les clinquants de la vie sociale libérée.

Mais venons un peu à la famille Écha’ya et au Docteur Dahesh, né environ à cette époque !

Huit mois environ après la naissance de leur troisième fille à Bethléem, Wadhia (l’enfant que Chmouné portait en elle cachée dans la jarre*), le 29 juillet 1908, en préparation à la guerre, alors que venait d’être annexée la Bosnie-Herzégovine, les Jeunes-Turcs s’étaient emparés du pouvoir à Istanbul. Le 27 avril 1909, un mois et trois jours avant la venue au monde de Salim (le futur Docteur Dahesh), le sultan Abdül-Hamid, pratiquement le dernier sultan de la Turquie impériale, est soudain déposé par le Comité révolutionnaire et remplacé par son frère Mehmed Rechâd. Simple monarque constitutionnel qui ne sera pas plus sultan que calife ! Désormais le vrai pouvoir militaire, social et religieux réside entre les mains du triumvirat : Tala’at Pacha, Enver Pacha et Djemal Pacha. Ainsi une page importante du vieux monde, tant en Turquie pré-kémaliste qu’en Europe et dans les Balkans (où la Porte ne cessait de perdre ses territoires,) est définitivement tournée à l’orée de cette naissance. Quant à la situation internationale, l’Empire ottoman n’était pas moins fragilisé du fait de sa dépendance économique et militaire vis-à-vis des Grandes Puissances. Rien ne pouvait plus relever cet « homme malade de l’Europe », marginalisé par un monde marqué par l’accélération historique, le progrès de ses industries, ses armements modernes, sa marine, ses chemins de fer, et déjà ses voitures et ses premiers avions assoiffés de pétrole, cette huile minérale fossile qui, tout en devenant un des pilliers de l’économie industrielle moderne allait, dès son entrée en jeu (à partir de 1910 le pétrole est déjà considéré comme une matière première stratégique à la survie des nations), s’imposer comme une première nécessité politique. (*Aventure merveilleuse vécue par la Famille Échay’a dans leur fuite du village pour se rendre à Jérusalem, racontée dans Caravane, et où Chmouné, la future mère de Dahesh, se cache dans une jarre pour échapper à la surveillance du Wali du village – ndlr)

Mot nouveau, huile magique, sang du monde contemporain, ainsi vit le jour le pétrole qui, en tuant le commerce des caravanes nomades en Arabie, assoiffa l’Europe d’oasis où buvaient leurs chameaux. La question d’Orient, devenue une affaire pétrolière, devint une raison de vie et de mort pour les grandes puissances industrialisées, et bientôt un souk de marchandage diplomatique pour les nouveaux dirigeants turcs et leurs ennemis de toujours : les Bédouins de la tribu Hâchem et les Bédouins Wahabites. La question d’Orient revint ainsi à la surface devant la décomposition accélérée de l’Empire Ottoman. Aiguisée par la cupidité des gouvernements européens, elle devint un élément de progrès nécessaire aux Grandes Puissances européennes, et aux Turcs ottomans, une source de financement de ses progrès militaires. Elle aida un moment ces derniers à se relever de leurs grosses dettes euopéennes ; cependant, elle rendait l’intervention de ses prédateurs dans les affaires intérieures irréparables, et presque nécessaires.

Ses problèmes en Afrique du Nord et dans les Balkans, allant de mal en pis depuis l’avènement du sultan Mahmûd II en 1808, le soulèvement des Crétois en 1866, la guerre avec la Russie en 1877, la déclaration d’indépendance de la Bulgarie le 5 octobre 1908, et, en ce même jour, l’annexion pure et simple par l’Autriche-Hongrie de la Bosnie-Herzegovine qu’elles occupaient depuis trente ans, et combien d’autres signes avant-coureurs, clairs comme eau de roche, de troubles non moins graves sur le plan géo-politique. Ils annonçaient en fait aux nouveaux dirigeants de la Turquie, trop occupés à se surveiller, et inexpérimentés dans la haute politique, un démantèlement catastrophique de leurs territoires dans la Turquie d’Europe et celle d’Asie, et peut-être la perte d’Istanbul (réclamée par la Russie des Tsars comme prolongement naturel vers le Bosphore et pour assurer un débouché sur la Mer Noire). Le Monde arabe (toujours partie de l’Empire Ottoman), et notamment la Syrie et la Palestine, semblaient suspendus à la lèvre d’un précipice. Ce qui ne laissait pas d’encourager un peu partout dans cet Empire « décadent », les dissidences ethniques et nationales encore latentes. Vue la situation de paix armée en Europe, et de ses alliances changeant comme des dunes de sable sous le vent des intérêts, ces rivalités étaient habilement fomentées par les Puissances de ce temps, notamment sur ses frontières irako-syriennes, en Perse et en Palestine où déjà commençaient à affluer les premières vagues israélites venues de Russie, créant une situation instable entre les Arabes autochtones et les Colons juifs. De même que parmi les multiples clans arabes des Bédouins du désert, dont les chefs nomades et guerriers farouches, avec une poignée de beys et de pachas nationalistes arabes allaient prochainement composer, sous un jeu d’échecs serré entre les deux agents britanniques Lawrence et Philby, non seulement l’Arabie Saoudite, le Koweit et l’Irak, mais tous les pays arabes et israélien du Moyen-Orient d’aujourd’hui, et notamment le Liban chanté dans son cantique de cygne par Moïse.

Or deux choses sont patentes !

Qui dit rétablissement de l’État d’Israël en Palestine, ou fin de la diaspora et retour au Pays de Canaan (tant celle de Naboukadnassar quelques années avant l’ère chrétienne, que celle de Titus, trente-cinq ans après la mort de Jésus sur la croix), dit aussi l’avènement du MessieEt qui dit Canaan ou le Pays de Canaan, dit ipso facto le Liban, la Palestine et la Syrie, dont Ourou-Salim (ainsi était nommée la petite ville de Jérusalem du temps d’Abraham) fut le cœur historique et la colline sacrée par excellence, le Jourdain étant le fleuve biblique par excellence. Ne prend-il pas sa source au Liban, dans l’Hermon ? N’est-ce pas dans ses eaux que Jean-Baptiste immergeait et que le Messie reçut le baptême symbolique ?

 

Aussi la Terre promise, s’il y a Terre promise – et il y a Terre promise, et le sera, – la Terre promise doit être limitée par la mer Rouge, l’Euphrate, la Méditerranée et le désert de Syrie, englobant le Liban dont parle Moïse dans son délicieux chant sinaïque et les prophètes hébreux, notamment le prophète Isaïe. Voilà le soleil unitaire que Moussa Écha’ya, le père du Prophète Bien-Aimé, portait dans son sein depuis la nuit des temps, voyageant comme un grain de pollen d’Abraham à Moïse, de Moïse à David, et de David à Jésus. (Mais les prophètes n’ont qu’un père c’est l’Esprit !) Ainsi Moussa Écha’ya, porteur de la Nouvelle Alliance, découvrit tout d’un coup, suspendue dans le temps comme une lanterne rouillée, ce nid d’églises, de sanctuaires, de mosquées, de coupoles et de minarets… Instant sublime : la Nouvelle Jérusalem regardant en face l’antique Jérusalem ! Car c’est là justement, à Jérusalem, où il était venu en pèlerinage avec sa famille, qu’allait naître le Docteur Dahesh, et sur le chemin de retour à son village natal en Turquie, que Moussa et sa famille allaient être coincés par les circonstances de la guerre à Beyrouth… la future capitale de ce Liban dont il est dit : « Encore un peu de temps, et le Liban se changera en verger, et le verger sera considéré comme une forêt. En ce jour-là, les sourds entendront les paroles du livre, et, délivrés de l’obscurité et des ténèbres, les aveugles verront. Les malheureux se réjouiront de plus en plus en l’Éternel, et les pauvres feront du Saint d’Israël le sujet de leur allégresse… » Un pays né pour un prophète, et qui n’a vécu que le temps d’un prophète, afin que s’accomplissent les Écritures et les prophéties qu’elles renferment, et tout particulièrement celles qui concernent la venue d’un « grand prophète » et la naissance du Daheshisme au Liban ! (La suite prochainement…)

 

 

1 D’autres disent « abandonne-t-elle les rocs du Siryôn » : « Les Sidoniens appellent l’Hermon Siryôn, les Amorrhéens l’appellent Senir ». (Deutéronome 3,9)

2 Jean Gosjean, un des traducteurs de la Bible, et un des rares traducteurs aussi à avoir respecté le texte originel grec du Nouveau Testament, dit : « Ses pieds sont pareils à du bronze-de-Liban. » Presque tous les traducteurs ont omis ce mot, Chalkos-Libanos, d’une importance clé indicative du retour du Christ à la fin des temps. Un métal inconnu pour eux, et qui ne l’était pas au temps des Hittites, les anciens habitants du Liban qui travaillaient le fer, le bronze et bien d’autres métaux encore, comme on le sait de la Bible. Aussi tous les traducteurs dans toutes les langues du monde, copiant l’un de l’autre, omettent irresponsablement ce mot principal et écrivent : « Ses pieds étaient semblables à de l’airin ardent, comme s’il eût été embrasé dans une fournaise. » (La Sainte Bible, traduite d’après les textes originaux hébreu et grec par Louis Segond) « His feet were like fine brass, as if refined in a fumace. » (The Holy Bible, The New King James Version) « His feet were like burnished bronze refined in a furnace. » (The Oxford Study Bible, Revised English Bible with the Apocrypha) Le mot « Liban » a sauté de presque tous les textes connus. Jean à la fin de son Apocalypse, n’a-t-il pas dit : « Je le déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre : Si quelqu’un retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l’arbre de vie et de la ville sainte, décrits dans ce livre. » En corrigeant ce mot, nous aurions rendu à la fois au Liban ce qui est au Liban, et à Dieu ce qui est à Dieu.

Le Pays de Canaan

 

Sans le Pays du Cèdre, il n’y a point d’Israël au sens biblique du terme ! Ne dit-on pas « la Terre promise de Canaan » ? Le Liban ne fait-il pas partie du « Pays de Canaan » donné à la postérité d’Abraham comme un héritage qui lui est échu ? Dans le Deutéronome, Moïse ne chante-t-il pas aux portes de la Terre promise : « Laisse-moi passer, je Te prie, laisse-moi voir ce bon pays de l’autre côté du Jourdain, ces belles montagnes et le Liban » ? Mais de quel Liban s’agit-il, et de quelle terre promise ? La Terre promise, finalement, tout comme le Royaume de Dieu, pour employer les mots de Jésus, se trouvent dans notre cœur… et surtout dans l’amour du prochain, car qu’on le veuille ou non, l’homme est le frère de l’homme ! Mais aussi quelle idée désastreuse d’avoir détaché le Liban de la Syrie et la Palestine du Liban, pour ne citer que ces pays frères voisins en mal d’entente, alors que tout les unit, peuples, cultures et frontières. En faisant un retour en arrière dans les documents et les archives historiques de ce temps qui fut à l’origine de leur déchirement, on est sidéré et surtout heureux de découvrir, que la majorité des Libanais, des Palestiniens et des Syriens de ce temps du partage de l’Empire Ottoman en petits États, n’en voulaient pas, les Juifs de Jérusalem, les Muftis de Damas et les Maronites de Baabda en tête. Tout cela pour dire qu’il nous faut retourner à l’idée originelle d’unité sociale, qui est l’unité totale de la Famille de Canaan : unité ethnique, économique et religieuse, afin que vive et resplendisse la Terre de Canaan rêvée par Abraham – le père commun de tous les enfants de cette région : Juifs, Chrétiens et Musulmans. Je pense que tout comme l’Europe qui s’est entredéchirée pendant des siècles sans fin en des luttes qui ont retardé son épanouissement, l’Amérique, l’Inde ou le Pakistan, la Terre de Canaan sera unie ou ne sera pas !

Copyright © 2009 Georges H. Chakkour – Tous droits réservés