Amertume
Nous sommes l’un de l’autre,
– étoiles du silence! –
Je suis de toi,
– pouvoir sidéral! –
Et vous rêves! rêves!
Comme l’eau d’une fontaine,
nous sommes l’un de l’autre
– amertume! –
Je sens vivement palpiter en moi,
comme le parfum d’une foule d’accords inexprimés.
Et qui s’éteignent avec des échos finement lointains,
dès qu’ils effleurent ma conscience.
Mais à chaque fois que je prends la plume
pour épingler ces êtres aux ailes de musique,
le rythme et la pensée nette m’échappent;
et, volant loin de moi à tire-d’aile,
le flot suave me déserte,
comme soudain… une envolée de papillons
blottis dans la feuillée!
Avez-vous vu rire aux éclats un buisson,
au pied d’un saule pleureur,
ou d’un palmier d’Arabie plein d’oiseaux?
Je dépose alors tout espoir de les poursuivre;
et pourtant, leur visite imprévue reste là,
en moi, bien tonique et indéfinie.
Je tente aussitôt (mais en vain) d’ébaucher en tableau,
à l’aide de mots fugitifs pêchés dans l’émotion,
la joie que m’a valu ce moment ineffable et onduleux…
Ombre de cygne,
caressant son nid de flots,
comment retenir ton souffle et surtout ton verbe?!
Oh! vraiment, que je suis enfant!
« Et boudeuse la lune,
au clair de son charme,
verse sur l’eau rêvante
des reflets humides!
Boudeuse la lune,
charme ces moments impressionnants,
où,
au clair doux des rayons,
je pense,
médite,
et pleure. »
Nous sommes l’un de l’autre,
– étoiles du silence! –
Je suis de toi,
– pouvoir sidéral! –
Et vous rêves! rêves!
Comme l’eau d’une fontaine,
nous sommes l’un de l’autre
– amertume! –
Ô Poésie!
Toi qui ne chantes que la vie et l’amour en l’homme,
allons retrouver l’aube,
au bout du long chemin,
retrouver l’aube au bout de la lutte!
Voici nos chants!
Voici notre sang!
Voici nos rêves, nos peines et nos diamants!
Dans mon rêve le plus profond
je te vis!
– Dahesh! –
Tu étais au-delà du Monde,
siégeant comme une vision de jaspe et de cornaline,
sur un Trône de diamants et d’émeraudes.
Tes Six Anges se tenaient trois à ta droite, et trois à ta gauche!
Un Séraphin de ton Armée céleste s’avança,
tenant une balance prête dans la main.
Quand tu lui fis signe,
il se pencha et cueillit le Monde,
comme un fruit mûr sur la branche du Temps;
et le posa sur un des plateaux éclatants de la balance.
Et puis il le pesa…
Hier, en passant près de ma demeure,
tu es venu t’asseoir à l’ombre de mes jardins.
Tu as mangé de mes fruits;
et dans le silence de ton coeur,
tu a béni mes arbres et mes rameaux.
Depuis ce jour mémorable,
j’ai tracé de nouvelles allées
parmi l’herbe tendre et les fleurs odorées.
Et ma tristesse me tourmente
– sans cesse –,
car en mon coeur quelque chose me dit,
qu’avant longtemps,
tu ne reviendras plus mêler ton ombre
aux ombrages que tu as bénis.
Tes traces sont encore partout vivantes;
aucun pas d’ami n’est venu les effacer.
Car parmi l’herbe verte et les feuillées fleuries,
j’ai emprunté de nouveaux chemins.
Et chaque matin je me lève avec l’aube,
et nettoie la poussière des étoiles,
qui tombe les effleurer;
et je prie le Ciel que tu reviennes,
en baisant, comme elle,
ô Dahesh!
ton passage qui m’a béni.
Demain je serai un peu de cendres
dans la main de la nuit!
Demain je serai un chant muet
au sein d’une corolle!
Mais Ton souffle ressuscitera ma joie,
et les abeilles messagères
butineront dessus ma fleur!
Copyright © 2009 Georges H. Chakkour – Tous droits réservés