Dahesh par lui-même Comme jamais vu avant

Dahesh par lui-même

Portrait littéraire inédit sur la vie intime, les œuvres et la pensée

d’une figure universelle hors du commun

à travers ses nombreux écrits, ses mémoires et ses récits de voyage

[ Sélection mise à jour et réalisée par Jeune Lévrier ]

Je suis étranger à ce monde, et combien j’aspire à cette heure où je retournerai à ma véritable patrie.

Homme, puisses-tu comprendre un jour, que si puissant que tu sois, aussi merveilleuses et étonnantes que soient les actions que tu réalises, aussi admirables les travaux que tu accomplis, et même si tes découvertes dépassaient l’horizon, comme personne ne l’a fait avant toi, et quelles qu’elles soient... il est dans les profondeurs de l’existence quelque chose d’incompréhensible et d’insaisissable, dont la nature et l’essence sont ignorées... Ce quelque chose se raille et se moque de tes œuvres, jusqu’à ce que vienne une heure où s’achèvera ton temps éphémère. Et tu t’en iras comme si tu n’étais point venu.

Je suis étranger à ce monde, et combien j’aspire à cette heure où je retournerai à ma véritable patrie.

J’aime les livres avec l’amour de l’ivrogne pour le vin. Et plus j’en bois et plus ils m’éveillent.

Les mystères de l’Existence, de même que les buts derniers de la Création, Dieu les a scellés même à Ses prophètes.

Dieu, personne ne L’a vu, personne ne Le connaît… Les mystères de la création échappent même à Ses archanges. Et pourtant tout dans cet Univers porte Son empreinte, nous parle de Lui et chante Ses louanges dans les galaxies insondables de la pensée, de l’infiniment petit à l’infiniment grand.

Les hommes n’adorent qu’un seul Dieu : l’argent ! 

Il n’est de bonheur qu’universel. 

Le fanatisme est le premier ennemi du temple qu’il sert.

 Il suffit d’une étincelle, d’un caillou, d’une pensée philosophique pour ériger ou abattre des royaumes qu’on croit éternels. 

Dieu est partout et en toutes choses. Mais si tu ne trouves pas Son Royraume d’abord en toi, tu as beau Le chercher partout tu ne Le trouveras nulle part. 

La défense de la Patrie

Gilbert [un soldat de la Guerre de Quatorze], la tête appuyée sur sa main, écoutait les réflexions de Mackenzie [l’un de ses frères d’armes] sur la philosophie de la guerre, sur les dirigeants qui en sont les auteurs et les porte-bannière.

Lorsque Mackenzie eut achevé d’exprimer ses idées et de les analyser en psychologue, Gilbert lui répondit :

« Je te parlerai ouvertement, mon ami. La défense de la Patrie est un devoir sacré si l’ennemi tente de l’abattre dans sa fierté et de conquérir son sol. La sauvegarde de la terre de nos pères et des ancêtres est en ce cas une obligation. Le Ciel nous a promus, nous et nos enfants, à la dignité de défendre ce patrimoine. Se refuser à ce devoir impérieux entache l’honneur d’une souillure que n’effacera point le cours des ans, cela si nous avons acquis la certitude que l’ennemi violera nos frontières dans le but de nous enchaîner dans la honte et l’infâme servitude.

Mais, si nous provoquons une agression dans le dessein arrêté d’assujettir nous-même une autre nation, si notre but est de subjuguer cette nation et de l’avilir, afin de nous approprier ses richesses et d’assouvir nos ambitions démesurées, si nous recourons aux intringues et aux subterfuges pour suciter les motifs qui déclenchent le conflit ; et si, trompant le peuple par l’appât de paroles illusoires et trompeuses, nous le poussons vers les champs de bataille, comme proie à la mitraille et à l’acier des canons, nous sommes grandement coupables, et devant le Juge Suprême, nous répondrons de notre conduite.

Et même dans la victoire, si nous comparons nos profits et nos pertes, et ce que nous perdons en vies humaines, notre bilan est sans contredit désastreux. L’expérience millénaire et les leçons de la vie auraient dû assagir les hommes, et leur enseigner que la guerre n’engendre que des maux, tant pour le vainqueur que pour le vaincu.

En plus de cela, la nation vaincue porte en son sein une rancune immense, et tel un lion blessé et terrassé, elle souffre patiemment dans ses blessures sanglantes. Les années passent, elle épie l’occasion qui lui permettra de surprendre enfin l’ennemi. Frappée à mort, humiliée dans son orgueil, condamnée à la déchéance, piétinée à la face de tous les peuples, elle attend. Et quand sonne l’heure tant désirée, tel le lion maintenant debout et plein de vie, elle fond sur l’adversaire, elle déchire, de ses griffes, le peuple abhorré qui l’a méprisée et dégradée ; elle l’écrase et l’égorge, pour enfin s’enivrer du sang de la vengeance. Ainsi s’accomplit la revanche dans le ressentiment et la haine, car les ans, si long que soit leur cortège, n’ont pu les apaiser.

Puis tourne la roue du changeant destin, et puis s’élève à nouveau l’autre plateau de la balance. La dernière des nations vaincues se venge à son tour, et c’est un perpétuel recommencement : guerres, victoires, défaites, représailles…

Ces tristes comédie m’ont profondément ému et désemparé. Les nations n’ont-elles point acquis quelque peu de sagesse par toutes les leçons du passé ? L’histoire des siècles révolus remplit les pages de nombreux et lourds volumes où sont exposées les véritables causes des guerres : l’ambition et la cupidité. Elle dénonce les maux terribles qu’ont engendrés les convoitises des agresseurs et les tristes conséquences de ces agressions. L’humanité chancelle sous leur poids jusqu’à ce jour.

Il incombe actuellement aux dirigeants des quatre parties du globe, d’édifier un Monde Unique et Indivisible, s’ils aspirent à faire régner la paix universelle sur cette terre maudite. Ils doivent prendre à tâche d’organiser une collaboration générale entre les dirigeants de toutes les Grandes Nations. Ils doivent faire appel à des hommes justes et compétents, et recueillir leur opinion pour la réalisation de cette œuvre, si grande par son importance, si noble par sa haute portée. Et que l’on écarte impitoyablement l’avidité insatiable, l’égoïste ibtérêt et les ambitions démesurées, en vue du bonheur de toute la Famille Humaine.

Enfin les dirigeants doivent procéder à l’élaboration d’une Charte Mondiale qui régirait tous les continents. Ils y rallieraient les petits peuples qui dépendent de leur influence ; ils exigeraient une entente générale : même sort, mêmes lois, mêmes visées, même idéal, et que cette Charte soit appliquée dans un esprit pur, dans un désintéressement entier.

Tels sont les facteurs qui peuvent conduire à la concorde et à l’universelle harmonie. Je présume pourtant que cette conception est peu facile à réaliser, et je ne crois point qu’elle se réalise dans le temps présents car, en ce siècle, l’or est l’idole de tous et l’on voit, par les passions qu’il suscite, qu’il domine de sa puissance souveraine le cœur et la raisons de tous les hommes. Il en résulte que, les principes les plus élevés, les ambitions les plus hautes, lui sont acquises. Suis-je donc blâmable, mon ami, si comme patriote et comme soldat, je reconnais qu’il est mal d’exposer nos vies sur les champs de bataille dans l’expectative de songes chimériques qui ne se réaliseront jamais ? »

Mackenzie répondit à son compagnon d’armes :

« Ce sont les idées mêmes que j’exprimais tout à l’heure, mon cher Gilbert. Ton opinion est la mienne, mais je te mets en gardes : n’en souffle point mot à âme qui vive, car les balles te transperceraient de part en part et fermeraient à jamais ta bouche trop éloquente. » (Mémoires d’un Dinar : ce court passage qu’on vient de lire est puisé dans « Philosophie de la Guerre » et « Vérités Constantes », deux chapitres émouvants que nous publierons prochainement dans cette section et dans lesquelles le Docteur Dahesh développe ses idées sur les droits de la guerre et les principes de la défense. >>) ) Pour lire cette partie en entier.

« Mais, lorsqu’une nation puissante, désire étendre sa domination sur une nation moins forte, elle ruse et la trompe par des paroles chimérique et des promesses fallacieuses. Elle la fascine, comme le charmeur fascine le serpent qu’il veut dompter, et puis elle la fait plier de bon gré à sa volonté afin de réaliser ses égoïstes desseins. Et quand cette faible nation, leurrée et faussement persuadée qu’elle jouira de la justice promise, se rend compte enfin, qu’elle est tombée dans les filets du mensonge, elle est déjà livrée à l’esclavage de l’étranger, à la honte et au déshonneur. » [ La suite de cette partie prochainement… ]

« Le bastion de toute doctrine, la fontaine de jouvence de toute foi, c’est justement une permanente remise en question de nos propres certitudes. » (Paroles recueillies auprès de Dahesh par Awakel)

Dénationaliser un citoyen – crime qui dépasse tous les crimes – et c’est pourtant ce que s’est permis le président libanais Béchara el-Khoury contre le Docteur Dahesh.

Lisez à ce propos la lettre historique de Marie Hadad adressée au Secrétaire général des Nations Unies vingt-cinq ans avant l’éclatement de la guerre civile qui a ravagé le Liban :

« J’en appelle donc à votre haute compétence, comme à la plus grande autorité mondiale représentant tous les pouvoirs, comme des justiciers suprêmes représentant sur la Terre la Justice de Dieu.

[ Nous les Daheshistes, nous réclamons ] la restitution de la nationalité du Docteur Dahesh. Et, remplissant un devoir qui s’impose, nous avons recours à votre Cour Suprême, vous pressant d’étudier rigoureusement cette affaire qui dépasse les bornes du Liban. Votre Cour fera en ce  cas œuvre de justice et d’humanité… Elle préviendra que ce conflit ne se développe davantage encore.

Je vous l’affirme : il risque un peu plus tard d’ensanglanter le Liban au même titre que la Palestine, cela si aucune suite n’est donnée de votre part à cette requête accusatrice. »

 

Lettre de Marie Hadad, sœur de Michel Chiha, au Secrétaire général des Nations Unies ]

 

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